Dominique Lardet– Clarté sur Lynda Ann

Dominique LardetClarté sur Lynda Ann, Exposition Phot’Aix , novembre 2019

La surimpression est mal aimée si l’on en croit certains adeptes d’une photographie prétendument objective dont le modèle est l’image de reportage, articulée sur la réalité, mais jamais aussi belle pourtant que lorsqu’elle s’en éloigne par des effets esthétiques ou des allusions à des figures archétypales. La surimpression est mal vue quand on la considère comme un ensemble de procédés destinés à suppléer les carences d’une image médiocre. Comme pratique intentionnelle d’auteur, elle consiste en l’agencement de plusieurs prises de vue par superpositions successives, en une combinatoire qui construit une image avec la photographie. Par là-même, elle affirme sa parenté avec le discours et s’accomplit comme procédé narratif.

Il aura fallu beaucoup de ténacité à Dominique Lardet pour réaliser une poétique photographique en recourant à cette pratique narrative, décriée par l’ignorance et les effets de mode, qui prend dans son œuvre une dimension onirique tout à fait originale. La série intitulée Le Ruban bleu relate ainsi une histoire née d’impressions photographiques.

Tout commence avec un instantané : une épitaphe dont le texte est partiellement caché par une gerbe de fleur maintenue par un ruban bleu. Comme dans un flash, le prénom de Lynda s’éclaire, sort de l’obscurité où le destin l’avait plongé pour hanter la vision d’une photographe. Les paysages du comté de Durham, calmes et verdoyants, débordent de leurs cadres naturels pour envahir la vie urbaine. Un gisant surgi des ondes étale son silence éternel au parvis de la cathédrale St Cuthbert, les colonnes et les pilastres de la nef se confondent avec les ramures et les frondaisons des arbres forestiers, l’écume des étangs bouillonne comme après l’immersion d’Ophélie et des pommes géantes jonchent le gazon des cottages. La photographie se permet de devenir extralucide et découvre la magie des rêves d’enfance pour livrer d’imaginaires hypothèses sur l’incompréhensible absence de Lynda.

Présente, absente, Lynda est une image par excellence.

Un portrait porte absence et présence, disait Pascal, désignant par là le statut ambivalent de la représentation artistique. C’est un tel portrait que réalise Dominique Lardet à partir de l’émotion ressentie devant un petit bout de ruban bleu qui devient le fil rouge de son exploration des falaises sculptées par la rivière Wear ou des étangs vaporeux près de la Tyne. Une approche de bout en bout photographique qui met le rêve en scène pour superposer au monde réel les forces vives de sa sensibilité.