Le Hasard, comme la peinture…
Bastia, La Citadelle, 9 fév. 2019
Bastia est l’une des villes où je passe mes journées à marcher pour des raisons d’équilibre personnel, j’entends par là, la dose d’irréel dont j’ai besoin pour supporter la réalité. J’admire sans modération ces vieux immeubles délabrés qui entourent le port depuis des décennies et sont restaurés un à un, m’a-t-il semblé, chaque fois qu’une bâtisse moins ancienne commence à être frappée elle-même de décrépitude. Les façades du Port et de la Citadelle apparaissent endolories par des cicatrices, des crevasses, des mousses et des champignons qui les rongent, mais cette dégradation est rehaussée par des réparations de fortune, des badigeons de plâtre et de goudron qui sont à leur tour traversés par l’humidité.
Pour peu que l’on isole, comme en des cadres, certains pans de ces pourritures, on y trouve des compositions informelles. Dans cette photographie, la forme vague d’une croix penchée au milieu d’un fouillis de surfaces surchargées de multiples ravages m’a fait penser à la copie d’une œuvre possible d’Antoni Tàpies. Le hasard, comme une peinture sans artiste, se montre parfois capable de réquisitionner la matière pour lui intimer de devenir une forme cohérente.