L’Ecriture du temps

L’Ecriture du temps

Venise, (Noël 2018)

Le temps nous révèle des choses – c’est une façon de parler – mais ne disposant d’aucune autre langue ou syntaxe que les variations qu’il impose aux apparences on peut croire qu’il bafouille ou qu’il délire. J’ai déjà écrit (dans le chapitre dédié aux géographies incertaines de ce journal) à propos de ce bégaiement du temps, comment il me plaisait de voir dans les plâtras, lézardes, mousses glauques et champignons qui envahissent les façades de Venise une condamnation à perpétuité de la ville qui avait si mal reçu les récits de Marco Polo.

En ce jour de Noël 2018, je me suis promené sur le quai des Zatterre à Venise, ravi de me retrouver pour quelques jours seul, c’est-à-dire sans femme. J’ai marché longtemps en direction du Campo San Barnaba et me suis arrêté au bord d’un canal pour observer sur le quai de la rive d’en face une ouverture murale peinte en noir, bordée d’un cadre blanc. Le temps avait craquelé la couche de peinture qui ainsi dégarnie laissait transparaître une silhouette de femme. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser que je n’allais pas rester seul très longtemps…