TER 17709, 1ère classe.
Lyon Part Dieu-Arles, porte des toilettes, 9 fév. 2018
On n’a encore rien dit sur l’abstraction tant que l’on ne l’a pas comprise comme l’action de séparer l’esprit de la matière. Dans ce mouvement, la peinture et la photographie procèdent chacune de manière différente. Le peintre intervient directement sur la matière de son art jusqu’à lui conférer la forme de son choix et isoler celle-ci en un objet indépendant de son contexte d’extraction, différent de tout objet nommable et seulement identifiable par son unique présence. L’acte du photographe n’a aucune autre matière à transformer que la réalité visible par tous et l’abstraction consiste alors essentiellement dans le cadrage. Autant dire que toute prise de vue engendre une abstraction. Aussi, tandis que le peintre peut légitimement ignorer la question : « Qu’est-ce que ça représente ? », le photographe doit pouvoir y répondre, particulièrement quand sa photographie ne représente rien qui rappelle un objet du monde.
La photographie que j’ai prise dans le TER 17709 joue sur l’ambiguïté de ces deux abstractions : elle pourrait être prise pour la photographie d’une peinture abstraite ou elle pourrait y ressembler. La légende que je lui donne n’a aucune valeur de preuve de son extraction. Elle pourrait provenir de n’importe quelle autre surface que celle des chiottes d’un TER. Ce n’est pas une peinture et c’est une photographie qui n’a d’intérêt que pour elle seule, indépendamment de son contexte.