GUY Monet – Cris dans la nuit

GUY Monet – Cris dans la nuit

Sous le titre du reportage Cris dans la nuit, se cache la légende de chacune des photographies que Guy Monnet a ramené des Philippines. Les personnes et les lieux qu’il a photographiés se situent en marges des paradis sexuels de Manille ou d’Angeles fréquentés par des touristes étrangers, et relèvent d’une prostitution ordinaire, misérable et plutôt destinée aux habitants de l’archipel philippin.

Le projet photographique est né de l’indignation du photographe face aux conditions de vie humiliantes de femmes qui font un maigre commerce de leur corps, immergées dans l’insalubrité et exposées à une violence quotidienne. Aussi bouleversantes qu’elles soient, les images de la série n’ont été possibles qu’à la suite de rencontres et d’échanges avec les prostituées sur la finalité du projet photographique qu’elles ont approuvé et, d’une certaine façon, partagé.

Les moments de prise de vue n’ont rien à voir avec le travail routinier de ces femmes qui sont invitées par le photographe à se détendre comme elles l’entendent. L’intérieur des Casas – nom qui sert à désigner les bordels – sont des taudis salingues et mal éclairés, aux murs délabrés couverts d’inscriptions et de signes divers, au mobilier restreint à une chaise et un grabat. Dans ce décor lamentable et assombri, Guy Monnet parvient à composer, grâce au peu de lumière, des portraits comme en des fresques tragiques recouvertes d’une moire obscure aux tonalités charbonneuses et grisâtres.

Les filles occupent diversement ce temps qui leur est réservé. Quelques-unes d’entre elles restent assises sur le lit dans état de prostration, les autres vaquent à des occupations solitaires. Elles se regardent dans un miroir, se douchent, se touchent, se pressent les seins, se caressent comme cette vieille femme obèse qui pose la main sur son sexe par-dessus le bombement démesuré de son ventre. Le temps d’un instantané, ces femmes découvrent qu’elles n’ont pas seulement un corps, mais qu’elles « sont » un corps et le photographe, de façon discrète, recueille ces indices d’une appartenance à soi et d’une indestructible dignité. Il ravive, par-delà les meurtrissures des visages et des corps, la lumière spirituelle qui n’avait jamais cessé de luire.