GUY Monet – CKarthigai Deepam

GUY Monet – CKarthigai Deepam

De tous les reportages que Guy Monet a réalisé en Inde, on retient en chacun d’eux une fascination pour un pays qui a conservé ses traditions religieuses et sociales. Cette fascination se traduit par une volonté de conduire le médium photographique, aussi bien en couleur qu’en noir et blanc, aux limites de ses possibilités.

Ainsi, la série consacrée à la fête en l’honneur de Shiva, Karthigai Deepam, se présente moins comme une illustration d’un événement religieux que comme un engagement photographique au sein même de cette manifestation : les images sont prises en pleine nuit, éclairées par le feu qu’entretiennent les religieux au sommet de la montagne sacrée Arunachala. Cette montagne, selon la légende indoue, est le vestige d’une colonne de lumière infinie, avatar de la déesse, utilisé pour régler un différend entre Brahma et Vishnou qui se disputaient le rôle éminent de Suprême Seigneur de l’univers.

Les flammes géantes du feu sacré n’illuminent qu’elles-mêmes et créent, par un effet de contraste violent, des zones en contrejour dans lesquelles le photographe fait varier de façon subtile la gamme des gris les plus sombres. Les mouvements de foule et les gestes des prêtres qui nourrissent et attisent la flamme dirigée vers les ciel sont perçus comme des ombres délimitées par des liserés de lumière. Au milieu de l’agitation de brandons, du voletage de flammèches et d’escarbilles, on distingue des bras tendus dans la nuit en signe d’imploration, des mains que se joignent pour une dévotion.

Les visages qui surgissent, lueurs sombres dans l’opacité nocturne, sont plus que des portraits, des expressions exaltées avec des yeux fixés vers un au-delà comme si le tilak ornant le front entrevoyait ce que nul autre ne peut voir. Parfois, la pose longue dans l’obscurité enregistre le bougé d’un facies et la photographie enregistre un dédoublement de la personne aux instants où elle paraît subjuguée par le flamboiement céleste.

Guy Monet a conçu l’ensemble de son reportage comme un fait de lumière, dans des conditions de prise de vue rendues difficiles par les contrastes entre la clarté intense et l’obscurité profonde, mais aussi par la frénésie d’une foule passionnée et enthousiaste, fervente et dévotieuse. Seul un photographe maîtrisant parfaitement le nuancier de l’épreuve en noir et blanc pouvait ainsi créer, plus qu’un reportage, un hymne photographique à la lumière.