APPARAISSANCE DE L’ECRITURE
Sur le voie ferrée ente Cologne et
Düsseldorf. (19 nov. 2018)
J’ai
aimé, dans un coup d’œil à la sauvette, fixer la dissonance entre les matériaux
bruts d’un muret de soutènement et la finesse d’une dalle de béton clair, toute
gribouillée de giclées de peinture. Pas de message ou d’intention manifeste
dans les traces de ces gestes au pinceau que j’ai pourtant révérés comme une
espèce insolite de signes.
Des
cheminots affairés à repeindre des tôles avaient essuyé leurs outils pour
protéger leur ouvrage de dégoulinures inesthétiques qui se retrouvent au bas
des traînées noires comme les franges d’une étole. Inégalement appuyée sur la
surface blanchâtre du béton, chaque touffe de brosses, par sa trempe grossière,
dessine des rainurages plus ou moins espacés où s’intercalent diverses macules,
des coulures et quelques zébrures provenant du frottis des viroles.
Vues
de loin, ces bavures ne sont ni tout à fait des dessins ni tout à fait des
lettres mais, par opposition avec les raclures iconoclastes sur les ciments du
mur en contrebas, elles composent en frise une continuité d’expression où rien
d’autre qu’elle-même n’est représenté. J’y perçois la force d’un vouloir-dire s’acheminant
vers l’écriture.