Echo aux rives du Rhône

Echo aux rives du Rhône

Arles, 27 juil. 2019

Je rencontre cette jeune fille tous les jours. Elle promène son chien aux mêmes heures que moi et arrête sa balade en s’asseyant sur un tremplin, les yeux fixés vers le fleuve, à l’écoute de je ne sais quoi.

Je sais beaucoup de choses sur elle, elle parle volontiers et livre de nombreux détails de sa vie. Elle semble ne pas faire attention à ce que je lui dis. Je trouve cette étrangeté très attirante.

Parmi les nombreux propos qu’elle a tenus, elle n’a jamais dit son nom ou son prénom. Je ne lui ai jamais demandé, par peur sans doute d’associer à sa beauté de nymphe un patronyme qui m’eût plongé brutalement dans la réalité.

Il aura fallu cet instant où je l’ai surprise en pleine contemplation pour que je lui donne un surnom : Echo.

Un Cubain, dos tourné à la mort

Un Cubain, dos tourné à la mort

Paseo del Prado, La Havane, (4 avr. 2016)

Le régime de visibilité de celui qui regarde est autarcique. Sa vue est imprenable et nul ne peut savoir ce qu’elle comprend. J’ai voulu photographier cette énigme en surprenant un cubain sur l’immense avenue de La Havane, le Paseo del Prado. Il scrutait je ne sais quoi en direction de la mer. Je n’ai, bien sûr, jamais su ce qu’il regardait.

Cependant le plan large de ma photographie montre une circonstance intéressante de ce geste inexplicable. Il montre un homme qui tourne le dos à la mort, ici représentée par la peinture murale d’un squelette orienté dans la direction opposée à ce que l’homme regarde.

Une autre circonstance est la date où cette photo a été prise. Ce jour-là, des ouvriers commençaient à dresser les estrades où déambulerait un mois plus tard le défilé de Chanel. Trois semaines auparavant, Barak Obama avait emprunté cette même voie pour son entrée triomphale à Cuba.

Ma photographie avait mis en scène, à mon insu, un regard en direction de l’avenir de Cuba.

L’Inconnu de la Baltique

L’Inconnu de la Baltique

Presqu’île de Rügen, Allemagne, (12 juin 2017)

Dans la presqu’île de Rügen, un homme est resté debout, torse nu, face à la mer Baltique, sans que rien ni personne ne vienne perturber sa stature. Peut-être y est-il encore. On ne pouvait le voir que de dos, comme les personnages des tableaux de Caspar David Friedrich qui composa un grand nombre de ses œuvres en prenant pour modèle les falaises crayeuses de Rügen en bas desquelles j’ai aperçu cet homme. Mais cette immobilité sidérée me faisait plutôt penser au film de Werner Herzog, à Kaspar Hauser ouvrant ses yeux pour la première fois de sa vie devant le monde qu’il n’avait jamais vu.

Cet homme statufié, installé dans son seul désir de voir est pour moi une stèle dédiée à la pratique photographique où le regard est premier avant toutes choses à voir. Et cette pure compulsion du regard suffit à considérer la photographie comme la forme visuelle de l’écriture automatique.